Nous avons interrogé plusieurs linguistes sur l'usage de la familiarité au sommet de l'État. Ils soulignent la nécessité d'adapter son langage
à sa fonction
L’altercation entre un badaud (« Touche-moi pas, tu me salis ») et le président («Casse-toi alors, pauvre con, va »), au Salon de l’agriculture, a fait le tour du Net. Cet usage de la familiarité, voire de la vulgarité, au sommet de l’État, est à la fois « inquiétant » et « lourd de conséquence », estiment les linguistes.
Pour Alain Bentolila, le vif échange du Salon de l’agriculture illustre une « incapacité à adapter son registre de langage à sa fonction ». « Il y a deux façons de choisir un registre de langage, analyse le linguiste. S’adapter à une situation donnée et ouvrir la porte à l’émotion, ou avoir conscience de qui l’on est et des obligations liées à son statut. Un chef d’État ne peut pas se contenter du premier registre. »
L’altercation entre un badaud (« Touche-moi pas, tu me salis ») et le président («Casse-toi alors, pauvre con, va »), au Salon de l’agriculture, a fait le tour du Net. Cet usage de la familiarité, voire de la vulgarité, au sommet de l’État, est à la fois « inquiétant » et « lourd de conséquence », estiment les linguistes.
Pour Alain Bentolila, le vif échange du Salon de l’agriculture illustre une « incapacité à adapter son registre de langage à sa fonction ». « Il y a deux façons de choisir un registre de langage, analyse le linguiste. S’adapter à une situation donnée et ouvrir la porte à l’émotion, ou avoir conscience de qui l’on est et des obligations liées à son statut. Un chef d’État ne peut pas se contenter du premier registre. »

"La fonction présidentielle déconsidérée"

Auteur d’un ouvrage à paraître en mars (Les Mots de Nicolas Sarkozy, Seuil), le linguiste Louis-Jean Calvet rappelle que Jacques Chirac, qui avait reçu un crachat en banlieue parisienne, avait fait mine de ne rien remarquer. « En choisissant l’insulte, son successeur déconsidère la fonction présidentielle », déplore-t-il.

« Stratégie de la vulgarité »

Le professeur de linguistique, Jean Veronis, ne dit pas autre chose : selon lui, la campagne présidentielle a inauguré « une séquence d’abolition des codes et des repères » fondateurs de la société. « Le policier ne doit pas parler comme le voyou, ni le président comme l’homme de la rue. Ce faisant, il affaiblit la fonction et s’affaiblit lui-même. Nul ne peut dire comment cette séquence va se terminer. »
Quoi qu’il en soit, les spécialistes s’accordent pour dire que l’exemple ainsi donné est « catastrophique ». « Le président met les enseignants et les parents dans l’embarras, affirme Louis-Jean Calvet. Comment ces derniers pourront-ils demander aux jeunes de tenir leur langage si le chef de l’État lui-même ne le peut pas ? »
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Solenn de ROYER |